Je ne t'ai pas vu depuis 30 ans. Mais il y a quelques années, tu es apparu dans mes rêves. Une fois, quelques fois, souvent...
Les circonstances varient, mais le sentiment reste le même. Tu n'as pas changé. Dans tous les détails que j'ai gardés en mémoire, c'est toi.
Mais cette fois, enfin, je peux t'approcher. Je peux te parler.
Il y a encore ces passages où je te cherche. Les mêmes lieux, les mêmes couleurs, les mêmes objets. La même quête. Insensée et incessante. La même obsession. La longue marche dans le froid, un soir d'hiver, sans certitude de la destination. L'attente de la fin de journée, de semaine pour la chance d'un hasard provoqué. Les questions détournées aux mauvais interlocuteurs, l'enquête sans Internet...
Il y a encore ces passages là, tourments lancinants, effrayants... mais ils deviennent rares.
Trente ans ont passé. Ce qui aurait pu être, mille fois imaginé, est à portée d'esprit. Tout peut devenir réalité, surtout un rêve. Tout peut s'effacer, silences et regrets.
Je me demande parfois si toi, tu te souviens. Si tu avais eu la même impression, la même intuition. Si tu m'avais remarquée, la première fois, face à face, anonymes. Moi je sais, j'ai tout gardé. Des visions, des sons, des ressentis. Je t'ai tout de suite haï, sans détour, sans hésitation. Un préjugé dans les règles de l'art. Mais c'était déjà trop tard. Il n'y aura pas de défense, juste l'abdication, bouleversante, consternante.
Et cette dernière fois, où pour quelle raison, pour quelle raison, tu es venu... Ultime confusion: j'avais raison ?
Je ne t'ai pas vu depuis 30 ans. Mais tu es toujours là, avec moi. Et il n'y a plus un jour sans le souhait unique, transcendant et absurde, de te revoir.
Et aucune nuit n'y suffira...